Sur mon lieu de travail on peut estimer qu’il y a environ 300 toilettes.

Ce n’est pas rien, il faut dire qu’il y a pas mal de monde qui travaille chez nous.

Il y a quelques mois maintenant, nous avons été surpris au boulot de voir un tandem de techniciens changer systématiquement tous les systèmes dérouleurs de papier toilette. Cela a pris pas mal de temps, on entendait des bruits de foreuse à chaque toilette pendant 1 ou 2 minutes et puis ils passaient à la suivante.

Qu’ont-ils installé exactement? Ceci :

Cette superbe machine est un distributeur lotus professional smartone.

On peut se demander ce qui a bien pu motiver un tel remplacement? Le site du fabriquant annonce bien une économie de papier toilette (ce dont je doute au plus au point), et certains ont laissé entendre que c’est pour éviter le vol (dont la prévalence est difficilement évaluable de toute façon). N’étant pas dans le secret des dieux, je n’aurai jamais la réponse.

On peut cela dit tirer quelques enseignements de ce petit fait divers administratif.

Tout d’abord ce système a été choisi par appel d’offre, c’est donc normalement le moins cher qui a été sélectionné, du moins au niveau de la machinerie (en plastique), il faudra voir au niveau des consommables.

Les rouleaux utilisés sont strictement vendus par la marque lotus, le système de distribution du papier étant breveté. Et ce n’est pas un système si simple qu’il n’y parait : le papier passe à travers une ouverture au diamètre et au matériau soigneusement étudié pour laisser passer le papier et permettre qu’il se déchire au niveau des pointillés. Pas avant sa sortie (il se casserait dans la machine), pas après (les utilisateurs consommeraient trop de papier). Les rouleaux eux mêmes se dévident de l’intérieur et pas de l’extérieur.

On peut considérer que ces distributeurs de papier toilette sont “propriétaires”, à savoir brevetés et liant l’acheteur légalement, éternellement et sans recours, à la marque qui fabrique la machine pour ses achats futurs de papier toilette.

Comparons maintenant l’ancien système, celui des simples rouleaux que tout le monde utilise chez lui.

Ces rouleaux sont de taille standard (on peut dire que les dimensions sont implicitement dans le domaine public), on connaît grosso modo la taille minimum et maximum d’un rouleaux, ainsi que le diamètre intérieur. Ceci permet d’acheter n’importe quel distributeur de papier et plus important, n’importe quel type de papier toilette.

Ainsi, si un fournisseur de papier est en faillite, on peut acheter le papier ailleurs. Si on souhaite acheter du papier bio, on peut. Aucun fournisseur n’a le monopole de nous vendre son papier a un prix supérieur ou de brusquement augmenter des prix sous prétexte qu’il est le seul à le vendre. Nous pouvons négocier le prix à tout moment. En cas de rupture de stock, on peut toujours aller au petit magasin du coin pour acheter quelques remplacements de première nécessité. Il ne faut pas de personnel spécifique ou de contrat de maintenance pour remplacer les rouleaux.

Bref, on est libre de faire ce que l’on veut avec les rouleaux classiques.

Et malheureusement, en utilisant un système non standard, propriétaire, on perd toutes ces libertés.

Ce type d’argumentation est tenu depuis longtemps par les adeptes de l’open source et des standards ouverts (dont on peut lire une définition ici et consulter le site de l'Open Knowledge Foundation pour plus d'infos). Ce qui est valable pour le monde des logiciel informatique l’est aussi pour le monde des objets. Tenir compte de cette donne lors des achats (et donc de la rédaction des cahiers de charge) permettrait d’économiser pas mal d’argent. L’exemple anodin du papier toilette en est la preuve. Je fais le pari que dans 10 ans il ne sera plus possible d’acheter les rouleaux lotus smartone, et qu’il faudra remplacer les distributeurs… par les bon vieux dérouleurs de papier?

 

Illustration par Elya (creative common) et Lotus (surement protégé)