Un pigiste de la rtbf a envoyé une lettre, anonyme, dans laquelle il dénonce les conditions de travail de plus en plus difficile pour le personnel.
Il ne se plaint pas de la qualité des programmes, ni des choix délirants opérés par la chaine de service public de mettre le paquet sur l'infotainment et la télé réalité. Il parle simplement de gens qui souffrent dans leur travail. Et il fait le lien entre cette souffrance et les choix éditoriaux qui s'éloignent de plus en plus de ce que l'on pourrait appeller du service public. Mais lisez plutôt :
« La télévision, d'Etat ou pas, c'est quand Lubitsch, Mozart, René Char, Reiser, ou n'importe quoi d'autre qu'on puisse soupçonner d'intelligence, sont reportés à la minuit pour que la majorité puisse s'émerveiller dès 20 heures 30, en rotant son fromage du soir, sur le spectacle irréel d'un béat trentenaire figé dans un sourire définitif de figue éclatée, et offrant des automobiles clé en main à des pauvresses arthritiques sans défense et dépourvues de permis de conduire. » Desproges.
Bouteille à la mer d'un pigiste anonyme de la RTBF
Mesdames, Messieurs,
Cette lettre s'adresse à toute personne qui de près ou de loin participe à l'élaboration du nouveau contrat de gestion de la RTBF, en cette fin d'année 2012.
Je travaille au sein de cette grande maison depuis XX années, sans avoir la chance pour autant de bénéficier d'un contrat.
Je pourrais m'adresser à vous pour défendre le choix de programmes davantage éducatifs et culturels que ceux auxquels la RTBF donne la priorité depuis quelques années. Je pourrais déplorer le fait que les programmes privilégiés fassent large place au placement de produits, là où la mission première qu'induit la notion de service public devrait plutôt œuvrer au développement de l'esprit critique des citoyens.
Il s'agit néanmoins de choix idéologiques. Aussi, je ne tenterai point de vous influencer sur base des hypothétiques conséquences futures de ces choix. Je préfère attirer votre attention sur leurs répercussions bien réelles et déjà palpables au sein du personnel de la RTBF. C'est au sujet de la souffrance générée par ces choix que je vous écris.
Il est loin, le temps où, à la question de savoir combien de personnes travaillent à la RTBF, on pouvait répondre, sous forme d'une demi-boutade, « la moitié ». La grande majorité des personnes qui travaillent au sein de cette institution y sont entrés par amour des métiers de l'audio-visuel, et souvent aussi dans l'idée de participer, en faisant circuler une information de qualité, à la construction d'une société plus juste et plus humaine… « Une certaine idée du métier » que la récente politique de gestion de la RTBF met à mal au détriment du public, bien sûr, mais aussi de la santé mentale de ceux et celles qui, lorsqu'ils ont choisi ce cadre professionnel, n'avaient pas imaginé devenir un jour des marchands de tapis (que les vendeurs de moquette et autres carpettes ne se sentent pas visés par cette expression).
Je ne suis pas médecin du travail, mais mon emploi du temps m'amène à rencontrer très régulièrement quantité de journalistes, réalisateurs, cadreurs, techniciens du son et scriptes que la politique de gestion actuelle de la RTBF rend malades (au sens propre du terme). Au-delà des choix de fonds concernant les thématiques et contenus des émissions, la stratégie globale de gestion des ressources (humaines ou matérielles) génère de nombreuses souffrances. Il y a 2 ans, le discours de nouvel an d'un haut responsable de la RTBF, tenu dans un de ses centres régionaux, annonçait la couleur en ces mots : « La situation est difficile, accrochez-vous, car seuls les plus forts résisteront aux changements. Ceux qui sont trop faibles tomberont en chemin. » Dans ce contexte où l'on devrait pouvoir compter sur davantage de synergies, « diviser pour régner » semble la règle : les émissions de la RTBF et les personnes qui œuvrent pour celle-ci se considèrent davantage comme des concurrents que comme des alliés. Le personnel s'interroge sur ce qui a poussé ses dirigeants à détricoter avec tant de volonté ce qui faisait jusqu'il y a quelques années le succès de la RTBF: tous ces rendez-vous avec le public, ces émissions qualitatives qui ont soit déjà été supprimées, soit se trouvent continuellement menacées par la dictature de l'audimat. Aujourd'hui, le mot d'ordre est de privilégier « l'infotainment » (c'est Tron qui le dit, beaucoup se demandent où se trouve la tête), entendez une approche légère de l'actualité, davantage axée sur le sensationnalisme, les faits divers, les « peoples », et la consommation.
Mais si ce personnel souffre, pourquoi ne dit-il rien ? Parce qu'il n'ose pas. Il n'est pas rare que ceux qui ne sont pas d'accord avec cette politique soient « mis au placard ». Il est plus facilement admis, au sein de la maison, qu'une présentatrice de JT joue les femmes-sandwiches pour des marques de strass sur des plages exotiques, plutôt qu'un journaliste ose critiquer la politique de gestion interne. C'est d'autant plus vrai qu'un nombre important de journalistes et autres travailleurs de la RTBF sont désormais cantonnés au statut de pigiste longue durée. Quand votre employeur principal veille bien soigneusement à respecter des interruptions de travail entre deux petits contrats, quelle liberté de parole peut-on espérer de votre part ? Que dire aussi du fait qu'aujourd'hui, de nombreuses émissions sous-traitent toujours plus de projets auprès de sociétés de production privées, alors que l'on reproche au personnel de certains centres régionaux de la RTBF d'être trop inactif ? Il se raconte que certaines personnes bien placées à la RTBF possèdent des intérêts dans ces sociétés privées. Mais sans doute ces conflits d'intérêt ne sont-ils que des rumeurs malveillantes soufflées par quelques esprits jaloux. Ce qui me pousse à vous écrire ceci aujourd'hui, ce n'est pas la jalousie : si on le laisse faire, qui ne voudrait pas aujourd'hui mettre sa famille à l'abri de la crise ?
Non, ce qui m'a décidé à vous confier ceci, c'est ma crainte que parmi les personnes travaillant pour la RTBF qui sont en souffrance psychique, certains ne se contentent plus, à l'avenir, de s'abrutir d'anxiolytiques, pour supporter cette ambiance de travail. Je suis solidaire de tous ces gens qui souffrent de ne plus pouvoir exercer avec fierté le métier qu'ils ont choisi. Je vous prie de m'excuser de maintenir l'anonymat autour de ma personne. Si je n'avais pas de famille à charge, j'aurais le courage de parler à visage découvert. Permettez-moi toutefois de vous faire savoir, en guise de conclusion, que mes propos n 'émanent que de moi, et d'aucun groupe, aucune association, aucun parti politique. A ce sujet, je paraphraserai Pierre Desproges pour vous assurer qu' « A part la droite, il n'y a rien au monde que je méprise autant que la gauche. »
J'espère que vous pourrez un tant soit peu tenir compte de ces quelques lignes au moment de vérifier que celles du nouveau contrat de gestion de la RTBF sont bien écrites dans l'intérêt des citoyens de la Fédération Wallonie-Bruxelles.
Avec mes sentiments les plus respectueux,
Un pigiste déjà trop pigeon
Via le blog RTBF89
Insuportable, consternant, triste, désastreux, décousant le tissus social… choisissez.
Que fait la communauté française? Elle forme !
Par ailleurs, je tombe sur ceci : www.audiovisuel.cfwb.be/index.php?id=avm_detail&no_cache=1&tx_ttnews%5Btt_news%5D=1592&cHash=4806e29911
Le service audiovisuel à la communauté française lance un appel d'offre afin de permettre à des jeunes de se former à la réalisation d'émissions de téléréalité à la con :
The Voice, Belgium got talent, L’Amour est dans le pré, Ter Zake…vous connaissez ? Ces émissions de divertissement ou de plateau, talk shows, magazines d’information et de reportage, relèvent de la catégorie des programmes de flux que l’on oppose traditionnellement aux programmes de stock où se sont regroupés films, séries, documentaires, programmes d’animation.
Vu le rôle que ces programmes locaux peuvent jouer dans l’affirmation d’une identité belge francophone en reflétant nos réalités sociales, historiques, culturelles, et au regard de l’importance de consolider une industrie encore fragile dans ce domaine, l’heure semble venue en Fédération Wallonie-Bruxelles de soutenir et développer la production indépendante de flux.
Notez comme on essaie d'embaler la sauce en insinuant que la téléréalité peut refléter nos réalités sociales, historiques et culturelles. "L'heure semble venue" , une manière de dire : "on à l'impression que l'on est désormais obligés de passer à ce registre". Sans en être vraiment convaincus, mais bon, puisque les autres le font bien, on doit le faire aussi, non ?
Avec ces nouvelles recrues, la RTBF sera bien armée pour poursuivre sur sa voie ultra commerciale. Le tout avec des personnes formées par (et pour) le service public. C'est ça le progrès!
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